vendredi 5 juin 2009

Chronique bédéphile : Pixy

(NB: cliquez sur les images pour les agrandir dans un nouvel onglet)

Pixy est une bande dessinée de l'artiste suédois Max Andersson, originellement publiée en 1992. Longtemps épuisée, la version française (éditée en 1997 par l'Association) a été réimprimée il y a peu.

Le trait est sec, anguleux et coupant, les cadrages étranges, à la fois très composés et complètement distordus, avec des perspectives hallucinées et un sens de la géométrie très personnel. Le noir et le blanc sont en conflit perpétuel, comme si les éclats de lumière devaient taillader la masse compacte de l'obscurité pour surgir et être aussitôt déchiquetés par les aspérités tranchantes du décor.
La mise en page est pour le moins baroque, avec ses petites créatures organiques et filandreuses qui servent d'enluminures à des vignettes occasionnellement transformées en vitraux de cathédrale...



Pixy est une sorte d'équivalent, en bande dessinée, du Eraserhead de David Lynch, avec lequel il partage des références graphiques affirmées au cinéma expressionniste ainsi qu'un certain nombre d'obsessions macabres et surréalistes (dont la plus évidente: le héros Pixy est un fœtus avorté, qui rappelle le bébé monstrueux du film de Lynch).

La BD parle d'immeubles fusillés, de corps recyclables, d'un royaume des morts souterrain auquel on n'accède qu'avec un visa de l'ambassade et où le temps se déroule à l'envers, de monnaie vivante, de télévisions hantées et de fœtus alcooliques particulièrement frappadingues. Bref, on est assez loin Placid et Muzo, et il faut vraiment être amateur de bizarreries pour apprécier pleinement le travail incroyable d'Andersson.
Car ce qui saute aux yeux, malgré les références susmentionnées, c'est que Max Andersson est un auteur réellement singulier, profondément original, qui arrive à donner une structure graphique et narrative rigoureuse et extrêmement sophistiquée à un univers personnel qui semble déborder d'idées, d'images et d'obsessions. Le résultat est d'une cohérence implacable.
Ça n'a l'air de rien comme ça, mais au vu du matériau de base, ça relève du prodige.

Le site de Max Andersson est ici.



The angriest dog in the world


Quand David Lynch s'essaie à l'art du comic strip, ça donne cette étrange série, entamée en 1983, au concept génial ou fumeux (c'est selon... c'est souvent le cas avec Lynch, et c'est ça qui est drôle) : un même strip composé de quatre vignettes identiques (trois "de jour" et une "de nuit"), reproduit à l'infini. Seuls les dialogues, particulièrement absurdes, changent.
Graphiquement, pas de doute, ça ressemble à du Max Andersson avant la lettre.


Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene (1919), prototype du cinéma expressionniste.

Aucun commentaire: